Cette mort me rappelle de tristes souvenirs

Paris, Le 19 Mars 1915

Mon Loulou chéri,

J’ai reçu ta gentille lettre du 14, mais avec du retard. Ma concierge avait oublié de me la remettre et ta lettre se promenait dans sa loge depuis hier soir. Aussi ce matin est-elle venue s’excuser auprès de moi de cet oubli. Je lui ai pardonné, car ce n’était pas de sa faute.

Ça ne fait rien, j’aurais préféré l’avoir hier, puisque cette lettre m’annonçait une bonne nouvelle. Tu es au repos à Felcourt. Ce patelin ne doit pas être important car il m’a été impossible de le trouver dans le dictionnaire des communes. Si bien que j’ignore où tu es.

Je suis sous le coup d’une émotion et c’est tout en tremblant que je t’écris ces quelques lignes. Tu vois, ta Germaine n’est pas très brave. J’ai dans ma maison une jeune fille qui m’aime beaucoup et à qui je plais énormément. Cette pauvre fille vient de perdre sa mère hier soir. Elle reste seule sans famille.

Cette mort, détail curieux correspond avec celle de ma pauvre mère à quatre ans de différence moins un jour.

Aussi cette mort me rappelle de tristes souvenirs et les durs moments que j’ai passé et comme je suis très impressionnable, je me rend facilement malade. Heureusement que mon père m’a expressément défendu d’y aller, comme cela je suis moins impressionnée. A part ça je suis en bonne santé. J’espère qu’il en est de même pour toi.

J’espère aussi recevoir beaucoup de lettres de toi puisque tu es au repos. Je t’envoie mon Loulou chéri mes baisers les plus doux.

Ta petite fiancée qui trouve le temps long,

Germaine

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