Encore deux Zeppelins

Paris, Le 23 Mars 1915

Mon petit chéri,

Je viens de recevoir ta bonne lettre du 17 avec une joie folle. Tu me dis que tu t’es fait photographier. Quel bonheur !!!

Je voudrais être huit jours plus vieille pour pouvoir t’admirer et couvrir de baisers ton image (celle que j’ai en ce moment n’a pas à se plaindre à ce sujet).

Tu es vraiment gentil d’avoir pensé à moi, aussi comme je te remercie. Si tu étais près de moi, tu serais bien remercié, mais malheureusement, je suis bien loin. Je t’envoie tout de même des millions de baisers tellement je suis contente.

Que je te raconte. Cette nuit, nouvelle visite de zeppelins. Cette fois-ci, je ne dormais pas et j’ai très bien entendu les pompiers sonner le Garde-à-vous. Il faut te dire qu’il était 9 heures lorsque l’alarme fut donnée. A cette heure-là, personne n’est encore couché.

encorezeppelins

Mon père s’est pas mal moqué des zeppelins, il s’est couché comme d’habitude. Mais moi, je n’ai rien voulu savoir, je me suis mise à la fenêtre et j’ai assisté à l’extinction des becs de gaz, ce qui était plutôt comique. Ensuite, j’ai aperçu les projecteurs qui fouillaient le ciel de leur trainée lumineuse.

Les gens d’en face chez nous étaient descendus dans la rue, une dame avait jusqu’à sa valise à la main. Les taxis ne voyant plus clair, marchaient au pas.

Dix heures, toujours rien. Je commençais à m’énerver. Enfin, à dix heures et demi, je me suis décidée à me mettre au lit, mais toute habillée, car je suis très curieuse et je voulais assister à la séance s’il y en avait une. A 11 heures de nouveau, les pompiers repassent. Vite je me lève, mais cette fois-ci moins rassurée car j’entendais un agent qui criait de rentrer vite chez soi et de tenir les fenêtres fermées car il y avait du danger.

Ne sachant que faire, je me suis promenée d’une pièce à l’autre jusqu’à près d’une heure. Enfin, de guerre lasse, je me suis remise sur mon lit et j’ai dormi jusqu’à 3 heures. Là, n’entendant plus rien, je me suis relevée et me suis décidée à me déshabiller.

Juge de la nuit que j’ai passé ! S’il y a quelqu’un qui ne s’est pas fait de bile, c’est mon père, il n’a rien entendu.

Sur le journal de ce matin, on met : Deux zeppelins ont été signalés hier soir, se dirigeant sur Paris, mais vers Creil ils durent faire demi-tour.

En attendant impatiemment ton portrait, je t’envoie mon Loulou adoré mes meilleurs baisers.

Ta petite fiancée qui t’aime bien fort,

Germaine

 

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