En cas d’accident

Paris, Le 16 Février 1915,

Mon chéri,

Tu es vraiment un amour de fiancé, tu me gâtes d’une foule de lettres, plus gentilles les unes que les autres aussi, en ce moment, je suis très contente.

Hier, 2 lettres de toi, une le matin et une le soir, ce matin encore une charmante lettre. Je suis la plus heureuse de toutes les fiancées et la plus favorisée sous tous les rapports. Tu m’écris très souvent, 1ère faveur ; tu m’as donné tout ton coeur, 2ème faveur ; et 3ème faveur, tu es adorable aussi bien physiquement que moralement, rien n’est égal à toi à mes yeux, tu es mon adoration…

Je ne continue pas mes louanges pourtant, j’en ai encore beaucoup à dire, car tu vas encore me dire que je te fais des compliments. Mon chéri, je ne te fais aucun compliment, puisque je dis la vérité.

Dans ta lettre d’hier soir, il est encore question de ton idée, tu voudrais que je connaisse quelqu’un de chez toi, pour qu’en cas d’accident je sois informée. Je t’en supplie ne me fais pas penser à cela ; mais comme tu veux que je t’en cause, je vais te donner mes idées. Par Madeleine je serai très bien renseignée si je veux, car je la ferai téléphoner à ta soeur, mais pour que je fasse pareille chose, il faudrait que je n’ai plus de nouvelle de toi pendant 1 mois, ce mois écoulé, j’agirai.

Autre idée : tu pourrais avoir sur toi une lettre à mon adresse dans laquelle tu me ferais tes adieux, cette lettre me parvenant m’apprendrait ta disparition. Tu pourrais aussi demander ce service à ton camarade Sereulles.

adieu

Assez sur ce sujet, car j’espère bien ne jamais en recauser.

Je ne t’ai pas dit que j’avais été mal accueillie chez tes parents. C’est toi qui le dit, si j’avais su que cela t’ennuye, je ne te l’aurai dit qu’à ton retour. Tes parents ne pouvaient pas deviner que la personne qui sonnait, était la petite chérie à leur Lucien. Je n’étais ce jour-là, pour eux et pour tout le monde, qu’une vendeuse de 75, je venais leur en offrir, mais comme la besogne avait été faite par d’autres, je n’avais qu’à m’excuser du dérangement que j’avais occasionné. Je trouve cela tout naturel. Ne dis plus que j’ai été mal accueillie.

folette
Mme Sevette et Folette

J’ai connu ta Follette, que j’aime déjà beaucoup, c’est déjà quelque chose. Paris ne s’est pas fait en un jour.

Je ne puis te causer de ta seconde, mais cela sera pour demain. En attendant une délicieuse missive, je t’envoie, mon amour, de doux baisers.

Ta fiancée, plus éprise que jamais,

Germaine

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