A nouveau dirigés vers le front

Paris, le 12 février 1915

Mon Loulou aimé,

Je viens de recevoir ta gentille lettre du 8, qui, quoique étant très courte, m’a fait grand plaisir, car j’avais été privée de tes nouvelles depuis 2 jours. Cette privation est de la faute à la Poste qui s’est amusée à garder ta lettre 4 jours, d’habitude tes lettres mettent 2 jours. Sans doute une lubie.

Dans cette lettre, tu me parles de ton départ pour Dampierre, d’après ce que je vois, tu te diriges du même côté qu’avant. Je croyais à mon idée, que tu serais parti en Alsace. Que tu sois au Nord ou au Sud, cela se vaut.

folette
Mme Sevette et Folette

J’ai vu Madeleine hier. Elle m’a prié de te souhaiter le bonjour. Elle est sans nouvelle de Robert, aussi je l’ai trouvé fort triste ; en plus de cela, elle commence à avoir le cafard, ce qui n’est pas drôle, car elle se rend malade. Je l’ai un peu consolée, même au point de la faire rire, car je lui ai raconté la réception de ta Folette.

Je lui ai parlé de ton idée, cela lui déplait pas ; mais elle trouve comme moi, que cela paraitra drôle à ta soeur. Tu ne sais pas ce qu’elle m’a dit ? “J’ai qu’à téléphoner à Suzanne et je la mettrai au courant, comme elle est très gentille, elle s’arrangera”. Elle va un peu vite en affaire ! Je n’ai pas accepté cette proposition, avant de t’avoir consulté, car je ne veux aucune responsabilité. A toi de me conseiller. Il vaudrait peut-être mieux attendre la fin de la guerre, après nous verrons. Dis-moi ce que tu en penses ? Tout ce que tu feras sera bien fait.

Madame Sut a écrit au chef de musique de Robert pour avoir une permission pour aller le voir. Pauvre femme, elle s’y prend un peu tard, puisque vous êtes à nouveau dirigés sur le front.

J’ai quelque chose à te dire. Tu as vraiment peu pensé à moi, lorsque tu as été à Bar-le-Duc, ou, si tu préfères cette phrase : tu as oublié de te faire photographier. Ce qui m’étonne, c’est que tes parents n’y aient pas songé. Il est vrai qu’ils étaient trop à la joie de voir leur fils. Enfin ne te désole pas pour si peu, j’attendrai ton retour, qui m’apportera une photo beaucoup plus ressemblante que sur un morceau de papier, puisque c’est toi-même que je verrai.

En attendant de tes chères nouvelles, reçois mon cher fiancé un nombre incalculable de baisers.

Celle qui t’aime bien tendrement,

Germaine

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