Une cigarette entamée

Paris Le 25 novembre

Mon Lucien Chéri,

Tu paraissais si heureux du petit paquet que je t’ai envoyé que je ne peux résister au désir de t’en envoyer un second. Tu me disais, sous entendu comme je te l’avais recommandé, qu’il t’avait fait plaisir, énormément plaisir. Ecoute, je ne sais lequel de nous deux qui était le plus heureux, mais pour ma part, j’étais vraiment contente.

Si tu savais la joie que j’éprouve en le faisant ! Pouvoir toucher ce que tu toucheras, jeter mes yeux sur ce que tes yeux verront n’est-ce pas une douce consolation pour moi.

Comme je l’envie ce paquet puisqu’il va partir près de toi, si je pouvais me faire toute petite avec quelle joie je me mettrais dedans, car je commence à trouver le temps bien long.

Si le calendrier marque quatre mois de guerre, pour moi il marque au moins un siècle tellement je trouve éloignés les jours heureux où j’avais le bonheur de te voir. Et toi pauvre chéri, tu dois trouver le temps encore plus long ? toi qui est privé de tout. Pourtant tu ne te plains pas. Aussi comme je t’aime, je crois que je t’aime encore plus depuis la guerre, tu es si brave, tes lettres sont si encourageantes, que je regarde l’avenir avec confiance. Surtout lorsque je regarde le beau trèfle à quatre feuilles que tu m’as donné. Il nous portera certainement bonheur puisqu’il vient de toi.

Tu trouveras une cigarette commencée par moi si bien que lorsque tu la finiras, ce sera comme un long baiser que tu recevras de mes lèvres.

Pour me faire savoir l’arrivée de ce paquet, tu répondras sur la carte militaire ci-jointe, je la reconnaitrai facilement car j’ai fait une croix sous les drapeaux. Mais ne parle pas de ce paquet.

J’espère recevoir de tes bonnes nouvelles pour bientôt, en attendant ce plaisir, je t’envoie mon chéri mille doux baisers de celle qui pense sans cesse à toi,

Germaine

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