C’est toi qui a fait de moi une courageuse

1914-10-28-verso Paris, Le 28 Octobre 1914

Mon petit Chéri,

Depuis quelques jours je suis vraiment favorisée du sort, j’ai reçu ce matin une carte-lettre de toi et je venais d’en recevoir une il y a deux jours, aussi je m’empresse à te répondre tellement ma joie est grande de recevoir si souvent de tes bonnes nouvelles. Il y avait bien longtemps que je n’avais été à pareille fête, il me semble que je suis encore aux heureux jours où tu m’écrivais tous les soirs d’Amiens. J’y repense même avec envie, nous étions séparés mais tu venais me voir si souvent. Huit jours, ce n’était rien à coté de maintenant. Mais je commence à prendre mon mal en patience et je sui vraiment plus courageuse que dans le début, je suis même honteuse de ce moment de faiblesse que j’ai eu car tu as dû mal me juger mais que veux-tu je t’aime tellement que ce mot de guerre m’avait bouleversé au point de me faire perdre la tête et au lieu de t’écrire des lettres encourageantes, je te montrai ma tristesse et mon désespoir.

Maintenant je suis complètement changée et c’est confiante dans l’avenir que je t’écris ces quelques lignes. Je me dis puisque tu as déjà traversé mille dangers sans qu’il ne t’arrive rien, il en sera de même jusqu’au bout et que ta bonne étoile ne te quittera pas et te protègera toujours. Ce qui m’a beaucoup encouragé c’est la belle confiance que tu me montrais dans tes lettres : c’est toi qui a fait de moi une courageuse.

Hier j’ai passé une bonne journée en compagnie de Madeleine Blin ; nous sommes devenues les meilleures amies du monde, elle me plait beaucoup surtout quand elle me cause de toi et elle mes fait même rire aux larmes quand elle me conte des histoires telles que le mariage de Madame et Monsieur Sevette au champ de Tennis ou bien la promenade à Brutelle où vous vous êtes tant amusés au détriment d’une pauvre vache. Elle reçoit toujours des nouvelles de son fiancé qui sont toujours très bonnes. Mon père est revenu de son voyage à Cayeux, il a pu rapporter tous nos bagages, il a appris beaucoup de morts, le fils Senet est du nombre . Je crois que tu dois le connaître. Je termine car je vois que la place me manque pour t’en dire d’avantage. En attendant de tes bonnes nouvelles, je t’envoie mon tendre chéri mes meilleurs baisers.

Germaine

PS : Je t’ai écris hier et j’ai oublié de mettre le numéro de ton régiment, c’est malin de ma part !!!

1914-10-28

 

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